Page:Maupassant - Misère humaine (extrait de Gil Blas, édition du 1886-06-08).djvu/9

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leurs couches. Toutes les poules s’étaient mises à l’abri dans la cheminée. »

Nous arrivions à la ferme. Il attacha son cheval à la branche d’un pommier devant la porte ; et nous entrâmes.

Une odeur forte de maladie et d’humidité, de fièvre et de moisissure, d’hôpital et de cave nous saisit à la gorge. Il faisait froid, un froid de marécage dans cette maison sans feu, sans vie, grise et sinistre. L’horloge était arrêtée ; la pluie tombait par la grande cheminée dont les poules avaient éparpillé la cendre et on entendait dans un coin sombre un bruit de soufflet rauque et rapide. C’était l’enfant qui respirait.

La mère, étendue dans une sorte de grande caisse de bois, le lit des paysans, et cachée par de vieilles couvertures et de vieilles hardes, semblait tranquille. Elle tourna un peu la tête vers nous.

Le médecin lui demanda : « Avez-vous une chandelle ? »

Elle répondit d’une voix basse, accablée : « Dans le buffet. » Il prit la lumière et m’emmena au fond de l’appartement vers la couchette de la petite fille.

Elle haletait, les joues creuses, les yeux luisants, les cheveux mêlés, effrayante. Dans son cou maigre et tendu, des creux profonds se formaient à chaque respiration. Allongée sur le dos, elle serrait de ses deux mains les loques qui la couvraient ; et, dès qu’elle nous vit, elle se tourna sur la face pour se cacher dans la paillasse.

Je la pris par les épaules et le docteur, la forçant à montrer sa gorge, en arracha une grande peau blanchâtre, qui me parut sèche comme du cuir.