Page:Maupassant - Miss Harriet - Ollendorff, 1907.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
105
l’héritage

Maze, plus audacieux que tous, lui demanda, avec son air dégagé d’homme du monde : « Savez-vous au juste le chiffre de la fortune ? »

Lesable répondit avec un ton parfait de désintéressement : « Non, pas au juste. Le testament dit douze cent mille francs environ. Je sais cela parce que le notaire a dû nous communiquer immédiatement certaines clauses relatives aux funérailles. »

De l’avis général, Lesable ne resterait pas au ministère. Avec soixante mille livres de rentes, on ne demeure pas gratte-papier. On est quelqu’un ; on peut devenir quelque chose à son gré. Les uns pensaient qu’il visait le Conseil d’État ; d’autres croyaient qu’il songeait à la députation. Le chef s’attendait à recevoir sa démission pour la transmettre au Directeur.

Tout le ministère vint aux funérailles, qu’on trouva maigres. Mais un bruit courait : « C’est Mlle Cachelin elle-même qui les a voulues ainsi. C’était dans le testament. »

Dès le lendemain, Cachelin reprit son service, et Lesable, après une semaine d’indisposition, revint à son tour, un peu pâli, mais assidu et zélé comme autrefois. On eût dit que rien n’était survenu dans leur existence. On remarqua seulement qu’ils fumaient avec ostentation de gros cigares, qu’ils parlaient de la rente, des chemins de fer, des grandes valeurs, en hommes qui ont