Page:Maupassant - Miss Harriet - Ollendorff, 1907.djvu/166

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
156
l’héritage

d’un million ! » Il se remit à danser, puis soudain : « Mais venez donc, elle vous attend : venez l’embrasser, au moins ! » et le prenant à plein corps, il le poussa devant lui et le lança comme une balle dans la salle où Cora était restée, debout, inquiète, écoutant.

Dès qu’elle aperçut son mari, elle recula, étranglée par une brusque émotion. Il restait devant elle, pâle et torturé. Il avait l’air d’un juge et elle d’une coupable.

Enfin il dit : « Il paraît que tu es enceinte ? »

Elle balbutia d’une voix tremblante : « Ça en a l’air. »

Mais Cachelin les saisit tous les deux par le cou et il les colla l’un à l’autre, nez à nez, en criant : « Embrassez-vous donc, nom d’un chien ! Ça en vaut bien la peine. »

Et, quand il les eut lâchés, il déclara, débordant d’une joie folle : « Enfin, c’est partie gagnée ! Dites donc, Léopold, nous allons tout de suite acheter une propriété à la campagne. Là, au moins, vous pourrez remettre votre santé. »

À cette idée, Lesable tressaillit. Son beau-père reprit : « Nous y inviterons M. Torchebeuf avec sa dame, et comme le sous-chef est au bout de son rouleau, vous pourrez prendre sa succession. C’est un acheminement. »

Lesable voyait les choses, à mesure que parlait Cachelin ; il se voyait lui-même, recevant le chef,