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l’âne

Et les ravageurs abordèrent

Labouise saisit la bride de l’animal. Maillochon, surpris, demanda :

— Qué que tu veux faire de c’te peau ?

Chicot, cette fois, ouvrit son autre œil pour exprimer sa gaieté. Toute sa figure rouge grimaçait de joie ; il gloussa :

— Aie pas peur, ma sœur, j’ai mon truc.

Il donna cent sous à la femme, qui s’assit sur le fossé pour voir ce qui allait arriver.

Alors Labouise, en belle humeur, alla chercher le fusil, et le tendant à Maillochon :

— Chacun son coup, ma vieille ; nous allons chasser le gros gibier, ma sœur, pas si près que ça, nom d’un nom, tu vas l’tuer du premier. Faut faire durer l’plaisir un peu.

Et il plaça son compagnon à quarante pas de la victime. L’âne, se sentant libre, essayait de brouter l’herbe haute de la berge, mais il était tellement exténué qu’il vacillait sur ses jambes comme s’il allait tomber.

Maillochon l’ajusta lentement et dit :

— Un coup de sel aux oreilles, attention, Chicot.

Et il tira.

Le plomb menu cribla les longues oreilles de l’âne, qui se mit à les secouer vivement, les agitant tantôt l’une après l’autre, tantôt ensemble, pour se débarrasser de ce picotement.

Les deux hommes riaient à se tordre, courbés,