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idylle

les parfums des orangers et des roses prenaïent une saveur plus intense, semblaient s’épaissir, s’alourdir.

Les deux voyageurs s’endormirent de nouveau.

Ils rouvrirent les yeux presque en même temps. Le soleil s’abaissait vers la mer, illuminant sa nappe bleue d’une averse de clarté. L’air, plus frais, paraissait plus léger.

La nourrice haletait, le corsage ouvert, les joues molles, les yeux ternes ; et elle dit, d’une voix accablée :

— « Je n’ai pas donné le sein depuis hier : me voilà étourdie comme si j’allais m’évanouir. »

Il ne répondit pas, ne sachant que dire. Elle reprit : « Quand on a du lait comme moi, il faut donner le sein trois fois par jour, sans ça on se trouve gênée. C’est comme un poids que j’aurais sur le cœur ; un poids qui m’empêche de respirer et qui me casse les membres. C’est malheureux d’avoir du lait tant que ça. »

Il prononça : « Oui. C’est malheureux, Ça doit vous tracasser. »

Elle semblait bien malade en effet, accablée et défaillante. Elle murmura : « Il suffit de presser dessus pour que le lait sorte comme d’une fontaine. C’est vraiment curieux à voir. On ne le croirait pas. À Casale, tous les voisins venaient me regarder.

Il dit : « Ah ! vraiment. »