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regret

de faire des démarches, de parler, d’étudier des questions.

Il n’avait même pas été aimé. Aucune femme n’avait dormi sur sa poitrine dans un complet abandon d’amour. Il ne connaissait pas les angoisses délicieuses de l’attente, le divin frisson de la main pressée, l’extase de la passion triomphante.

Quel bonheur surhumain devait vous inonder le cœur quand les lèvres se rencontrent pour la première fois, quand l’étreinte de quatre bras fait un seul être, un être souverainement heureux, de deux êtres affolés l’un par l’autre.

M. Saval s’était assis, les pieds au feu, en robe de chambre.

Certes, sa vie était ratée, tout à fait ratée. Pourtant il avait aimé, lui. Il avait aimé secrètement, douloureusement et nonchalamment, comme il faisait tout. Oui, il avait aimé sa vieille amie Mme Sandres, la femme de son vieux camarade Sandres. Ah ! s’il l’avait connue jeune fille ! Mais il l’avait rencontrée trop tard ; elle était déjà mariée. Certes, il l’aurait demandée, celle-là ! Comme il l’avait aimée pourtant, sans répit, depuis le premier jour !

Il se rappelait son émotion toutes les fois qu’il la revoyait, ses tristesses en la quittant, les nuits où il ne pouvait pas s’endormir parce qu’il pensait à elle.