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mon oncle jules

pouvoir dédommager mon père du tort qu’il lui avait fait. Cette lettre causa dans la famille une émotion profonde. Jules, qui ne valait pas, comme on dit, les quatre fers d’un chien, devint tout à coup un honnête homme, un garçon de cœur, un vrai Davranche, intègre comme tous les Davranche.

Un capitaine nous apprit en outre qu’il avait loué une grande boutique et qu’il faisait un commerce important.

Une seconde lettre, deux ans plus tard, disait : « Mon cher Philippe, je t’écris pour que tu ne t’inquiètes pas de ma santé, qui est bonne. Les affaires aussi vont bien. Je pars demain pour un long voyage dans l’Amérique du Sud. Je serai peut-être plusieurs années sans te donner de mes nouvelles. Si je ne t’écris pas, ne sois pas inquiet. Je reviendrai au Havre une fois fortune faite. J’espère que ce ne sera pas trop long, et nous vivrons heureux ensemble… »

Cette lettre était devenue l’évangile de la famille. On la lisait à tout propos, on la montrait à tout le monde.

Pendant dix ans, en effet, l’oncle Jules ne donna plus de nouvelles ; mais l’espoir de mon père grandissait à mesure que le temps marchait ; et ma mère aussi disait souvent :

— Quand ce bon Jules sera là, notre situation changera. En voilà un qui a su se tirer d’affaire !