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miss harriet

Je voulus aussi regarder, espérant que je saurais mieux distinguer, et je me penchai sur le bord. J’aperçus vaguement un objet blanc. Mais quoi ? J’eus alors l’idée de descendre une lanterne au bout d’une corde. La lueur jaune dansait sur les parois de pierre, s’enfonçant peu à peu. Nous étions tous les quatre inclinés sur l’ouverture, Sapeur et Céleste nous ayant rejoints. La lanterne s’arrêta au-dessus d’une masse indistincte, blanche et noire, singulière, incompréhensible. Sapeur s’écria :

« C’est un cheval. Je vé le sabot. Y s’ra tombé c’te nuit après s’avoir écapé du pré. »

Mais soudain, je frissonnai jusqu’aux moelles. Je venais de reconnaître un pied, puis une jambe dressée ; le corps entier et l’autre jambe disparaissaient sous l’eau.

Je balbutiai, très bas, et tremblant si fort que la lanterne dansait éperdument au-dessus du soulier :

— C’est une femme qui… qui… qui est là dedans… c’est miss Harriet.

Sapeur seul ne sourcilla pas. Il en avait vu bien d’autres en Afrique !

La mère Lecacheur et Céleste se mirent à pousser des cris perçants, et elles s’enfuirent en courant.

Il fallut faire le sauvetage de la morte. J’attachai solidement le valet par les reins et je le des-