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l’héritage

coin de sa rue, à minuit, un de ces soirs, et qu’il lui administrerait une rossée à le laisser sur place. Les autres employés se turent.

Le lundi suivant, Cachelin, dès son arrivée, se rendit au bureau de son protecteur, entra avec solennité et d’un ton cérémonieux : « J’espère que vous voudrez bien me faire l’honneur de venir dîner chez nous à l’occasion des Rois. Vous choisirez vous-même le jour. »

Le jeune homme, un peu surpris, leva la tête et planta ses yeux dans les yeux de son collègue ; puis il répondit, sans détourner son regard pour bien lire la pensée de l’autre : « Mais, mon cher, c’est que… tous mes soirs sont promis d’ici quelque temps. »

Cachelin insista, d’un ton bonhomme : « Voyons, ne nous faites pas le chagrin de nous refuser après le service que vous nous avez rendu. Je vous en prie, au nom de ma famille et au mien. »

Lesable, perplexe, hésitait. Il avait compris, mais il ne savait que répondre, n’ayant pas eu le temps de réfléchir et de peser le pour et le contre. Enfin, il pensa : « Je ne m’engage à rien en allant dîner, » et il accepta d’un air satisfait en choisissant le samedi suivant. Il ajouta, souriant : « pour n’avoir pas à me lever trop tôt le lendemain. »