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l’héritage

Moi, je suis parti de bonne heure pour aider ces dames. »

Lesable répondit d’un ton dégagé : « Non. Nous sommes sortis ensemble parce que nous avions à parler de la solution des toiles à prélarts de Brest. C’est une affaire fort compliquée qui nous donnera bien du mal. »

Cachelin crut devoir mettre sa sœur aù courant, et se tournant vers elle : « Toutes les questions difficiles au bureau, c’est monsieur Lesable qui les traite. On peut dire qu’il double le chef. »

La vieille fille salua poliment en déclarant :

« Oh ! je sais que monsieur a beaucoup de capacités. »

La bonne entra, poussant la porte du genou et tenant en l’air, des deux mains, une grande soupière. Alors « le maître » cria : « Allons, à table ! Placez-vous là, monsieur Lesable, entre ma sœur et ma fille. Je pense que vous n’avez pas peur des dames. » Et le dîner commença.

Lesable faisait l’aimable, avec un petit air de suffisance, presque de condescendance, et il regardait de coin la jeune fille, s’étonnant de sa fraicheur, de sa belle santé appétissante. Mlle Charlotte se mettait en frais, sachant les intentions de son frère, et elle soutenait la conversation banale accrochée à tous les lieux communs. Cachelin, radieux, parlait haut, plaisantait, versait le vin acheté une heure plus tôt chez le marchand du