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l’héritage

de la sortir du moule lui-même, dans la crainte de ne pas savoir s’y prendre.

Cachelin, désolé, voulait la faire reporter, puis il se calma à la pensée du gâteau des Rois, qu’il partagea avec mystère comme s’il eût enfermé un secret de premier ordre. Tout le monde fixait ses regards sur cette galette symbolique et on la fit passer, en recommandant à chacun de fermer les yeux pour prendre son morceau.

Qui aurait la fève ? Un sourire niais errait sur les lèvres. M. Lesable poussa un petit « Ah ! » d’étonnement et montra entre son pouce et son index un gros haricot blanc encore couvert de pâte. Et Cachelin se mit à applaudir, puis il cria : « Choisissez la reine ! choisissez la reine ! »

Une courte hésitation eut lieu dans l’esprit du roi. Ne ferait-il pas un acte politique en choisissant Mlle Charlotte ? Elle serait flattée, gagnée, acquise ! Puis il réfléchit qu’en vérité, c’était pour Mlle Cora qu’on l’invitait et qu’il aurait l’air d’un sot en prenant la tante. Il se tourna donc vers sa jeune voisine, et lui présentant le pois souverain : « Mademoiselle, voulez-vous me permettre de vous l’offrir ? » Et ils se regardèrent en face pour la première fois. Elle dit : « Merci, monsieur ! » et reçut le gage de grandeur.

Il pensait : « Elle est vraiment jolie, cette fille. Elle a des yeux superbes. Et c’est une gaillarde, mâtin ! »