Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/175

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— Vas-y, Marinet.

Colosse, ayant rapproché sa chaise, suivait aussi sur le papier du père.

Et Marinet recommença. Alors le vieux Oriol, dérouté par la double besogne d’écouter et de lire en même temps, torturé par la crainte d’un mot changé, obsédé aussi par le désir de voir si Andermatt ne faisait point quelque signe au notaire, ne laissa plus passer une ligne sans arrêter dix fois le clerc dont il coupait les effets.

Il répétait :

— Tu dis ? Qué que tu dis là ? J’ai point entendu ! pas chi vite.

Puis, se tournant un peu vers son fils :

— Ch’est-il cha, Coloche ?

Colosse, plus maître de lui, répondait :

— Cha va, païré, laiche, laiche, cha va !

Le paysan n’avait pas confiance. Du bout de son doigt crochu il suivait sur son papier en marmottant les mots entre ses lèvres ; mais son attention ne pouvant se fixer au même moment des deux côtés, quand il écoutait, il ne lisait plus, et il n’entendait point quand il lisait. Et il soufflait comme s’il eût gravi un mont, il transpirait comme stil eût bêché sa vigne en plein soleil, et de temps en temps il demandait un repos de quelques minutes, pour s’essuyer le front et reprendre haleine, comme un homme qui se bat en duel.

Andermatt, impatienté, frappait le sol de son pied. Gontran, ayant aperçu sur une table Le Moni-