Page:Maupassant - Mont-Oriol, 1887.djvu/81

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paralytique désiré. Ne l’ayant point découvert, il abaissa ses yeux sur la route.

A deux cents mètres de là, on distinguait, au bord du chemin, les deux jambes inertes du vagabond dont le corps était caché par le tronc du saule.

Oriol mit sa main en abat-jour sur son front et demanda à son fils :

— Ch’est pas l’ païrè Cloviche qu’est encore là ?

Colosse répondit en riant :

— Oui, oui. Ch’est lui, il n’ s’en va pas chi vite qu’un lièvre.

Alors Oriol fit un pas vers Andermatt, et avec une conviction grave et profonde :

— T’nez, Monchieu, écoutez-moi. En v’là un là-bas, de paralytique, que monchieu le Docteur connaît bien, mais un vrai, qu’on n’a pas vu faire un pas d’puis diche ans. Dites-le, monchieu l’ Docteur ?

Latonne affirma :

— Oh ! celui-là, si vous le guérissez, je paie votre eau un franc le verre.

Puis, se tournant vers Andermatt :

— C’est un vieux goutteux rhumatisant atteint d’une sorte de contracture spasmodique de la jambe gauche et d’une paralysie complète de la droite ; enfin, je crois, un incurable.

Oriol l’avait laissé dire ; il reprit lentement :

— Eh bien, monchieu l’ Docteur, voulez-vous faire l’épreuve chur lui, un mois durant ? Je ne dis pas que cha réuchira, je n’ dis rien, je demande cheulement à faire l’épreuve. Tenez, Coloche et moi, nous allions