Page:Maupassant - Pensées libres, paru dans Le Gaulois, 14 décembre 1881.djvu/6

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

sirs plus passagers du monde, ne représentent-ils pas les deux pôles de l’égoïsme exploité habilement au profit de la morale et de l’humanité ?

Le cloître où se réfugient ceux qui sont revenus du monde, qu’est-ce, sinon l’enrégimentement de l’égoïsme, qui se prive de tout en cette vie pour obtenir davantage dans l’autre. N’est-ce pas là une compagnie d’assurances sur l’éternité ? On verse petit à petit à la caisse du ciel toutes les douceurs qu’on aurait goûtées dans l’existence, pour en toucher la somme en bloc après la mort, avec les intérêts accumulés et multipliés. Égoïsme raffiné d’avare.

Dépoétisons encore.

Que dirons-nous des services rendus ?

Voyons, là, du fond du cœur, lorsque vous rendez un service, n’avez-vous pas la conviction intime que vous placez votre générosité à mille pour cent ? Celui que vous obligez ne devra-t-il pas, sous peine d’être considéré par vous comme un traître et un malhonnête homme, demeurer jusqu’à son dernier jour prêt à vous témoigner de toutes les façons une constante et infatigable gratitude ?

Je n’ai pas inventé les deux aphorismes suivants, d’une incontestable vérité : — « On est reconnaissant aux autres des services qu’on leur a rendus » — et — « On aime son prochain en raison du