Page:Maupassant - Profils d'écrivains, paru dans Gil Blas, 1er juin 1882.djvu/12

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Cette œuvre vient d’être publiée en volume. Cladel y déploie toutes ses ressources d’ajusteur de mots, toute la variété de ses moyens, y pousse à l’excès son habileté de styliste difficile. D’un bout à l’autre du volume, des luttes d’athlètes, rien que des luttes, et toujours différentes, toujours empoignantes, toujours dites avec des expressions nouvelles, inattendues et vigoureuses. C’est là un des plus énormes tours de force littéraires que puisse accomplir un romancier.

Apre comme sa phrase, l’auteur du Bouscassié et des Va-nu-pieds est, dans la vie, un terrible. Issu d’une forte race paysanne, il semble aigu, dur et tranchant comme la pierre d’un champ. La barbe longue, les cheveux longs, la face creuse, il va dans la rue à grands pas, avec des yeux luisants de fauve. Il parle par éclats, lance des mots vibrants, où sonne en son plein l’accent du Midi ; et, irrité à la moindre contradiction, il discute violemment, tumultueusement, comme s’il allait se ruer sur son adversaire et le terrasser d’une étreinte. Mais il aime les lettres avec passion, comme on ne les aime plus guère.

MONFRIGNEUSE.