Page:Maupassant - Sèvres, paru dans Gil Blas, 8 mai 1883.djvu/11

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première cuisson, la pièce a diminué de grandeur d’une façon surprenante. Elle est ensuite livrée aux artistes qui la décorent, qui lui font subir une suite d’opérations difficiles, depuis les simples ornementations de couleur unie jusqu’aux applications de pâte sur pâte si difficiles.

Elle est alors cuite définitivement dans la partie basse du four, à une température de dix-huit cents degrés environ. Le four met huit jours à refroidir.

Pendant cette grande affaire de la cuisson, tout le monde est sur pied, anxieux. Le feu est le maître, le puissant maître dont on ne parle qu’avec terreur et respect. Il fait ce qu’il veut, détruit en une minute un travail de deux ans, fond les couleurs à sa guise, déjoue les combinaisons des artistes et des chimistes, dégrade les tons, retravaille l’œuvre des hommes comme un Esprit malin et malfaisant.

On le craint ; on dit : « Voilà une pièce qui sera réussie, si le feu le permet », comme on disait aux temps pieux : « Si Dieu le veut ».

Devant le four qui rougit, le ventre