Page:Maupassant - Sur l'eau, 1888.djvu/131

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Je lui laissai quelque argent et je me sauvai avec mon chien ; je me sauvai comme un malfaiteur, courant sous la pluie, croyant entendre toujours le sifflement des deux gorges, courant vers ma maison chaude où m’attendaient mes domestiques en préparant un bon dîner.

Mais je n’oublierai jamais cela et tant d’autres choses encore qui me font haïr la terre.

Comme je voudrais, parfois, ne plus penser, ne plus sentir, je voudrais vivre comme une brute, dans un pays clair et chaud, dans un pays jaune, sans verdure brutale et crue, dans un de ces pays d’Orient où l’on s’endort sans tristesse, où l’on s’éveille sans chagrins, où l’on s’agite sans soucis, où l’on sait aimer sans angoisse, où l’on se sent à peine exister.

J’y habiterais une demeure vaste et carrée, comme une immense caisse éclatante au soleil.

De la terrasse on voit la mer, où passent ces voiles blanches en forme d’ailes pointues des bateaux grecs ou musulmans. Les murs du dehors sont presque sans ouvertures. Un grand