Page:Maupassant - Sur l'eau, 1888.djvu/157

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une ivresse ; je faisais partie de cette foule.

Pour occuper le reste de ma journée, je me décidai à faire une promenade en canot sur l’Argens. Ce fleuve, presque inconnu et ravissant, sépare la plaine de Fréjus des sauvages montagnes des Maures.

Je pris Raymond, qui me conduisit à l’aviron en longeant une grande plage basse jusqu’à l’embouchure, que nous trouvâmes impraticable et ensablée en partie. Un seul canal communiquait avec la mer, mais si rapide, si plein d’écume, de remous et de tourbillons, que nous ne pûmes le franchir.

Nous dûmes alors tirer le canot à terre et le porter à bras par-dessus les dunes jusqu’à cet espèce de lac admirable que forme l’Argens en cet endroit.

Au milieu d’une campagne marécageuse et verte, de ce vert puissant des arbres poussés dans l’eau, le fleuve s’enfonce entre deux rives tellement couvertes de verdure, de feuillages impénétrables et hauts, qu’on aperçoit à peine les