Page:Maupassant - Sur l'eau, 1888.djvu/54

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subi l’âme humaine qui se montre dans toute sa platitude. Il faut vraiment être bien résolu à la suprême indifférence pour ne pas pleurer de chagrin, de dégoût et de honte quand on entend l’homme parler. L’homme, l’homme ordinaire, riche, connu, estimé, respecté, considéré, content de lui, il ne sait rien, ne comprend rien et parle de l’intelligence avec un orgueil désolant.

Faut-il être aveugle et soûl de fierté stupide pour se croire autre chose qu’une bête à peine supérieure aux autres ! Écoutez-les, assis autour de la table, ces misérables ! Ils causent ! Ils causent avec ingénuité, avec confiance, avec douceur, et ils appellent cela échanger des idées. Quelles idées ? Ils disent où ils se sont promenés : « la route était bien jolie, mais il faisait un peu froid, en revenant ; » « la cuisine n’est pas mauvaise dans l’hôtel, bien que les nourritures de restaurant soient toujours un peu excitantes ». Et ils racontent ce qu’ils ont fait, ce qu’ils aiment, ce qu’ils croient.

Il me semble que je vois en eux l’horreur de