Page:Maupassant - Vains conseils (extrait de Gil Blas, édition du 1884-02-26).djvu/9

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que tu vis en famille. Il faut toujours que le lapin chassé revienne terrer à son trou ; il faut toujours rentrer au logis paternel, quelque longue que soit l’absence. Elle te rattrapera au retour, voilà tout.

Donc quoi ? Te résigner ! La garder. Je sais bien que tu as pour elle maintenant autant de haine que de dégoût. Tant pis. Je crois qu’il faut uniquement appliquer ton habileté à éviter les occasions. Puis, dérobe-toi, perds connaissance, simule des attaques de nerfs, de rage ou d’épilepsie, crie : « Au feu ! À l’assassin ! » dès que vous serez seuls ; laisse ton manteau ou même plus ; paye un domestique pour taper aux portes aussitôt qu’elle se trouvera enfermée avec toi. Mais résigne-toi à subir, au moins platoniquement, sa passion.

Maintenant s’il te faut absolument une rupture, fais-toi surprendre en flagrant délit, par le mari. Tu en seras quitte pour deux mois de prison. C’est peu. Quant au procédé, ne le juge pas indélicat : il est licite autant que légal.


*


Je sais bien que le mari ne voudra peut-être pas te surprendre et que tu t’exposes ainsi à un rendez-vous capital et fort pénible. Je vais t’indiquer le moyen pour attirer dans ton piège l’époux soupçonneux et prudent. Écris-lui une lettre d’amour que tu signeras du nom d’une actrice, jeune et jolie, en lui demandant une