Page:Maupassant - Voyage de noce, paru dans Le Gaulois, 18 août 1882.djvu/9

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la mer.

Puis cela apparut plus distinct, les formes se dessinèrent davantage sur le ciel éclairci : une grande ligne de montagnes cornues et bizarres se levait devant nous, la Corse ! enveloppée dans une sorte de voile léger.

Le capitaine, un vieux petit homme, tanné, séché, raccourci, racorni, rétréci par les vents durs et salés, apparut sur le pont et, d’une voix enrouée par trente ans de commandement, usée par les cris poussés dans les tempêtes, me demanda :

— La sentez-vous, cette gueuse-là ? »

Et je sentais, en effet, une forte, une étrange, une puissante odeur de plantes, d’arômes sauvages.

Le capitaine reprit :

— C’est la Corse qui sent comme ça. Après vingt ans d’absence, je la reconnaîtrais à cinq milles au large. J’en suis, Madame. Lui, là-bas, à Sainte-Hélène, parlait toujours de l’odeur de son pays. Il était de ma famille. »

Et le capitaine, ôtant son chapeau, salua la Corse, salua, là-bas dans l’inconnu, l’Empereur, qui était de sa famille.