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YVETTE.

Et vous ?

Il répondit sans hésiter :

— Moi, je suis ce qu’on appelle un fêtard, un garçon de bonne famille, qui avait de l’intelligence et qui l’a gâchée à faire des mots, qui avait de la santé et qui l’a perdue à faire la noce, qui avait de la valeur, peut-être, et qui l’a semée à ne rien faire. Il me reste en tout et pour tout de la fortune, une certaine pratique de la vie, une absence de préjugés assez complète, un large mépris pour les hommes, y compris les femmes, un sentiment très profond de l’inutilité de mes actes et une vaste tolérance pour la canaillerie générale. J’ai cependant, par moments, encore de la franchise, comme vous le voyez, et je suis même capable d’affection, comme vous le pourriez voir. Avec ces défauts et ces qualités, je me mets à vos ordres, mam’zelle, moralement et physiquement, pour que vous disposiez de moi à votre gré, voilà.

Elle ne riait pas ; elle écoutait, scrutant les mots et les intentions.

Elle reprit :

— Qu’est-ce que vous pensez de la comtesse de Lammy ?

Il prononça avec vivacité :