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YVETTE.

cheur tiède, savoureuse, délicieuse, une fraîcheur d’herbes et de feuilles mouillées entrait par la fenêtre ouverte.

Yvette se releva, ôta ses vêtements flasques et froids, sans songer même à ce qu’elle faisait, et se mit au lit. Puis elle demeura les yeux fixés sur le jour qui naissait. Puis elle pleura encore, puis elle songea.

Sa mère ! un amant ! quelle honte ! Mais elle avait lu tant de livres où des femmes, même des mères, s’abandonnaient ainsi, pour renaître à l’honneur aux pages du dénouement, qu’elle ne s’étonnait pas outre mesure de se trouver enveloppée dans un drame pareil à tous les drames de ses lectures. La violence de son premier chagrin, l’effarement cruel de la surprise s’atténuaient un peu déjà dans le souvenir confus de situations analogues. Sa pensée avait rôdé en des aventures si tragiques, poétiquement amenées par les romanciers, que l’horrible découverte lui apparaissait peu à peu comme la continuation naturelle de quelque feuilleton commencé la veille.

Elle se dit :

— Je sauverai ma mère.

Et, presque rassérénée par cette résolution