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YVETTE.

Yvette put à peine prononcer :

— Oh ! cette nuit… j’ai vu… ta fenêtre.

La marquise, très pâle, articula :

— Eh bien ! quoi ?

Sa fille répéta, toujours en sanglotant :

— Oh ! maman, oh ! maman !

Mme Obardi, dont la crainte et l’embarras se changeaient en colère, haussa les épaules et se retourna pour s’en aller.

— Je crois vraiment que tu es folle. Quand ce sera fini, tu me le feras dire.

Mais la jeune fille, tout à coup, dégagea de ses mains son visage ruisselant de pleurs.

— Non !… écoute il faut que je te parle… écoute… Tu vas me promettre… nous allons partir toutes les deux, bien loin, dans une campagne, et nous vivrons comme des paysannes : et personne ne saura ce que nous serons devenues ! Dis, veux-tu, maman, je t’en prie, je t’en supplie, veux-tu ?

La marquise, interdite, demeurait au milieu de la chambre. Elle avait aux veines du sang de peuple, du sang irascible. Puis une honte, une pudeur de mère se mêlant à un vague sentiment de peur et à une exaspération de femme passionnée dont l’amour est menacé, elle frémissait, prête à deman-