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YVETTE.

Le clair soleil tombait à flots sur la campagne et l’air doux du matin entrait par la fenêtre.

Elle s’assit, pensant à cela : Morte. — C’était comme si le monde allait disparaître pour elle ; mais non, puisque rien ne serait changé dans ce monde, pas même sa chambre. Oui, sa chambre resterait toute pareille avec le même lit, les mêmes chaises, la même toilette, mais elle serait partie pour toujours, elle, et personne ne serait triste, que sa mère peut-être.

On dirait : « Comme elle était jolie ! cette petite Yvette », voilà tout. Et comme elle regardait sa main appuyée sur le bras de son fauteuil, elle songea de nouveau à cette pourriture, à cette bouillie noire et puante que ferait sa chair. Et de nouveau un grand frisson d’horreur lui courut dans tout le corps, et elle ne comprenait pas bien comment elle pourrait disparaître sans que la terre tout entière s’anéantît, tant il lui semblait qu’elle faisait partie de tout, de la campagne, de l’air, du soleil, de la vie.

Des rires éclatèrent dans le jardin, un grand bruit de voix, des appels, cette gaieté bruyante des parties de campagne qui commencent, et