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YVETTE.

— Allons, vous allez former mon bataillon ! Servigny, je vous nomme sergent ; vous vous tiendrez en dehors, sur la droite. Puis vous ferez marcher en tête la garde étrangère, les deux Exotiques, le prince et le chevalier, puis, derrière, les deux recrues qui prennent les armes aujourd’hui. Allons !

Ils partirent. Et Servigny se mit à imiter le clairon, tandis que les deux nouveaux venus faisaient semblant de jouer du tambour. M. de Belvigne, un peu confus, disait tout bas :

— Mademoiselle Yvette, voyons, soyez raisonnable, vous allez vous compromettre.

Elle répondit :

— C’est vous que je compromets. Raisiné. Quant à moi, je m’en fiche un peu. Demain, il n’y paraîtra plus. Tant pis pour vous, il ne faut pas sortir avec des filles comme moi.

Ils traversèrent Bougival, à la stupéfaction des promeneurs. Tous se retournaient ; les habitants venaient sur leurs portes ; les voyageurs du petit chemin de fer qui va de Rueil à Marly les huèrent ; les hommes, debout sur les plates-formes, criaient :

— À l’eau !… à l’eau !…

Yvette marchait d’un pas militaire, tenant par le bras Belvigne comme on mène un pri-