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222 MOHAMMED-FRIPOUILLE.

— C'est pour la pêche à l'Arabe.

Et il clignait de l'œil avec malice, mouve- ment qu'il avait appris d'un vieux chasseur d'Afrique parisien.

II marchait en tête de notre troupe, coiffé d'un turban rouge qu'il portait toujours en campagne, et il souriait d'un air ravi dans son énorme moustache.

II était vraiment beau, ce large Turc, avec son ventre puissant, ses épaules de colosse et son air tranquille. II montait un cheval blanc, de taille moyenne, mais robuste; et le cavalier semblait dix fois trop gros pour sa monture.

Nous nous étions engagés dans un petit vallon pierreux, nu, tout jaune, qui tombe dans la vallée du Chélif, et nous causions de notre expédition. Mes compagnons avaient tous les accents possibles, car on trouvait parmi eux un Espagnol, deux Grecs, un Amé- ricain et trois Français. Quant cà Mohammed- Fripouille, il grasseyait d'une fliçon invrai- semblable.

Le soleil, le terrible soleil, le soleil du Sud, qu'on ne connaît point de l'autre coté de la Méditerranée, nous tombait sur les épaules, et nous avancions au pas, comme on fait tou- jours là-bas.