BERTHE. 207
je la voyais maigrir, maigrir, et comme son regard obstiné ne quittait plus jamais le cadran des horloges, j'ai fait enlever de la maison tous ces appareils à mesurer le temps. Je lui ai ôté ainsi la possibilité de compter les heures, et de chercher sans fin, en d'ob- scures réminiscences, à quel moment il reve- nait, autrefois. J'espère, à la longue, tuer en elle le souvenir, éteindre cette lueur de pen- sée que j'avais allumée avec tant de peine.
Et j'ai essayé, l'autre jour, une expérience. Je lui ai offert ma montre. Elle l'a prise, l'a considérée quelque temps; puis elle s'est mise à crier d'une façon épouvantable, comme si la vue de ce petit instrument avait soudain réveillé sa mémoire qui com- mençait à s'assoupir.
Elle est maigre, aujourd'hui, maigre à faire pitié, avec des yeux caves et brillants. Et elle marche sans cesse , comme les bêtes
en cage.
J'ai fait griller les fenêtres, poser de hauts contrevents et fixer les sièges aux parquets pour l'empêcher de regarder dans la rue s'il revient !
Oh ! les pauvres parents ! Quelle vie ils auront passée !