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YVETTE.

Yvette ferait comme sa mère, sans doute. Elle serait une femme d’amour. Pourquoi pas ? Mais jamais la marquise n’avait osé se demander quand, ni comment, cela arriverait.

Et voilà que sa fille, tout d’un coup, sans préparation, lui posait une de ces questions auxquelles on ne pouvait pas répondre, la forçait à prendre une attitude dans une affaire si difficile, si délicate, si dangereuse à tous égards et si troublante pour sa conscience, pour la conscience qu’on doit montrer quand il s’agit de son enfant et de ces choses.

Elle avait trop d’astuce naturelle, astuce sommeillante, mais jamais endormie, pour s’être trompée une minute sur les intentions de Servigny, car elle connaissait les hommes, par expérience, et surtout les hommes de cette race-là. Aussi, dès les premiers mots prononcés par Yvette, s’était-elle écriée presque malgré elle :

— Servigny, t’épouser ? Mais tu es folle !

Comment avait-il employé ce vieux moyen, lui, ce malin, ce roué, cet homme à fêtes et à femmes. Qu’allait-il faire à présent ? Et elle, la petite, comment la prévenir plus clairement, la défendre même ? car elle pouvait se laisser aller à de grosses bêtises.