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YVETTE.

elle pensait au rôle qu’il lui faudrait jouer, selon les événements devinés. Elle le voyait vaguement, ce rôle, pareil à celui d’un personnage de M. Scribe ou de Mme Sand. Il serait fait de dévouement, de fierté, d’abnégation, de grandeur d’âme, de tendresse et de belles paroles. Sa nature mobile se réjouissait presque de cette attitude nouvelle.

Elle était demeurée jusqu’au soir à méditer sur ce qu’elle allait faire, cherchant comment elle s’y prendrait pour arracher la vérité à la marquise.

Et quand fut venue la nuit, favorable aux situations tragiques, elle avait enfin combiné une ruse simple et subtile pour obtenir ce qu’elle voulait ; c’était de dire brusquement à sa mère que Servigny l’avait demandée en mariage.

À cette nouvelle, Mme Obardi, surprise, laisserait certainement échapper un mot, un cri qui jetterait une lumière dans l’esprit de sa fille.

Et Yvette avait aussitôt accompli son projet.

Elle s’attendait à une explosion d’étonnement, à une expansion d’amour, à une confidence pleine de gestes et de larmes.