Page:Maupassant Bel-ami.djvu/112

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cheveux et de sa toilette ; et il rajustait sa cravate devant la glace, quand il aperçut dedans la jeune femme qui le regardait debout sur le seuil de la chambre.

Il fit semblant de ne l’avoir point vue, et ils se considérèrent quelques secondes, au fond du miroir, s’observant, s’épiant avant de se trouver face à face.

Il se retourna. Elle n’avait point bougé, et semblait attendre. Il s’élança, balbutiant : — Comme je vous aime ! comme je vous aime ! — Elle ouvrit les bras, et tomba sur sa poitrine ; puis, ayant levé la tête vers lui, ils s’embrassèrent longtemps.

Il pensait : « C’est plus facile que je n’aurais cru. Ça va très bien. » Et, leurs lèvres s’étant séparées, il souriait, sans dire un mot, en tâchant de mettre dans son regard une infinité d’amour.

Elle aussi souriait, de ce sourire qu’elles ont pour offrir leur désir, leur consentement, leur volonté de se donner. Elle murmura : — Nous sommes seuls. J’ai envoyé Laurine déjeuner chez une camarade.

Il soupira, en lui baisant les poignets : — Merci, je vous adore.

Alors elle lui prit le bras, comme s’il eût été son mari, pour aller jusqu’au canapé où ils s’assirent côte à côte.

Il lui fallait un début de causerie habile et séduisant ; ne le découvrant point à son gré, il balbutia :

— Alors vous ne m’en voulez pas trop ?

Elle lui mit une main sur la bouche :

— Tais-toi !

Ils demeurèrent silencieux, les regards mêlés, les doigts enlacés et brûlants.

— Comme je vous désirais ! dit-il.

Elle répéta : — Tais-toi.