Page:Maupassant Bel-ami.djvu/317

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sifs, passionnés, mais ne pouvant joindre le geste aux paroles, son action se trouvait paralysée.

Il reprit : — Je n’attends rien… je n’espère rien. Je
vous aime. Quoi que vous fassiez, je vous le répéterai si souvent, avec tant de force et d’ardeur, que vous finirez bien par le comprendre. Je veux faire pénétrer en vous ma tendresse, vous la verser dans l’âme, mot par mot, heure par heure, jour par jour, de sorte qu’enfin elle vous imprègne comme une liqueur tombée goutte à goutte, qu’elle vous adoucisse, vous amollisse et vous force, plus tard, à me répondre : « Moi aussi, je vous aime. »

Il sentait trembler son épaule contre lui et sa gorge palpiter ; et elle balbutia, très vite : — Moi aussi, je vous aime.

Il eut un sursaut, comme si un grand coup lui fût tombé sur la tête, et il soupira : — Oh ! mon Dieu !…

Elle reprit, d’une voix haletante : — Est-ce que je devrais vous dire cela ? Je me sens coupable et méprisable… moi… qui ai deux filles… mais je ne peux pas… je ne peux pas… Je n’aurais pas cru… je n’aurais jamais