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Page:Maupassant Bel-ami.djvu/60

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— Non… ça n’est pas possible…

Forestier le prit par les épaules, le fit pivoter sur ses talons, et le poussant vers l’escalier : — Mais, va donc, grand serin, quand je te dis d’y aller. Tu ne vas pas me forcer à regrimper mes trois étages pour te présenter et expliquer ton cas.

Alors Duroy se décida : — Merci, j’y vais. Je lui dirai que tu m’as forcé, absolument forcé à venir la trouver.

— Oui. Elle ne te mangera pas, sois tranquille. Surtout, n’oublie pas, tantôt trois heures.

— Oh ! ne crains rien.

Et Forestier s’en alla de son air pressé, tandis que Duroy se mit à monter lentement, marche à marche, cherchant ce qu’il allait dire et inquiet de l’accueil qu’il recevrait.

Le domestique vint lui ouvrir. Il avait un tablier bleu et tenait un balai dans ses mains.

— Monsieur est sorti, dit-il, sans attendre la question.

Duroy insista : — Demandez à Mme Forestier si elle peut me recevoir, et prévenez-la que je viens de la part de son mari, que j’ai rencontré dans la rue.

Puis il attendit. L’homme revint, ouvrit une porte à droite, et annonça : — Madame attend monsieur.

Elle était assise sur un fauteuil de bureau, dans une petite pièce dont les murs se trouvaient entièrement cachés par des livres bien rangés sur des planches de bois noir. Les reliures de tons différents, rouges, jaunes, vertes, violettes, et bleues, mettaient de la couleur et de la gaieté dans cet alignement monotone de volumes.

Elle se retourna, souriant toujours, enveloppée d’un peignoir blanc garni de dentelle ; et elle tendit sa main, montrant son bras nu dans la manche largement ouverte.