Page:Maurice Joly - Recherches sur l'art de parvenir - Amyot éditeur - 1868.djvu/59

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de Lavalette avait accepté la direction générale des postes après s'être rallié à la cause royale. Renvoyé devant la cour d'assises, son sort ne pouvait être douteux. Quand on lui communiqua la liste du jury, il n'y trouva qu'un nom qui lui fût connu ; c'était celui d'un M. Héron de Villefosse, qu'il avait connu maître des requêtes au Conseil d'État, lorsqu'il siégeait lui-même comme conseiller, et avec qui il avait été lié. L'avocat du roi récuserait-il cet ancien fonctionnaire ? Lavalette le craignait, et sa joie fut grande quand il le vit maintenu. En revanche, il ne put réprimer un vif mouvement de déplaisir, lorsque, après avoir épuisé son droit de récusation, il entendit sortir de l'urne le nom de M. Jurien, ancien émigré, alors conseiller d'État et directeur au ministère de la marine, qu'il regardait comme son ennemi personnel. M. de Villefosse fut désigné comme président du jury, circonstance dans laquelle Lavalette vit un espoir de salut. Quand après la clôture des débats, Lavalette rentra dans la salle pour entendre le verdict du jury, il ne vit que des figures impassibles ; un seul tenait son mouchoir sur les yeux et cachait ses larmes. C'était M. Jurien, son ennemi, qui pleurait sur son sort après avoir tout fait pour le défendre, tandis que M. Héron de Ville-fosse, son ancien ami, avait plaidé de toutes ses forces pour obtenir sa condamnation.

Jugez donc les hommes !