Page:Maurois - Les Silences du colonel Bramble (Grasset 1918).djvu/60

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— J’ai, moi aussi, une théorie du rire, dit le docteur, et elle est beaucoup plus édifiante que la vôtre, major. Je le crois simplement produit par la brusque succession d’une impression de stupeur et d’une impression de soulagement. Un jeune singe qui a la plus profonde affection pour le vieux mâle de la tribu voit celui-ci glisser sur une pelure de banane ; il craint un accident et sa poitrine se gonfle d’horreur, puis il découvre que ce n’est rien et tous ses muscles se détendent agréablement. Telle fut la première plaisanterie. Et cela explique le mouvement convulsif du rire. Aurelle est secoué physiquement parce qu’il est secoué moralement entre deux sentiments puissants : son affection inquiète et respectueuse pour le colonel…

— Houugh, fit le colonel.

— … et la consolante certitude que celui-ci ne s’est pas fait mal. C’est pourquoi les meilleurs sujets de plaisanterie sont ceux qui