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auguste comte

au meilleur type humain ; ces moyens trouvés, reste encore à trouver la force qui les mette en usage.

Auguste Comte est un des rares moralistes qui n’aient pas confondu ces deux ou trois points de vue très distincts. Dès 1826, il écrivait : « Ni l’individu, ni l’espèce ne sont destinés à consumer leur vie dans une activité stérilement raisonneuse en dissertant continuellement sur la conduite qu’ils doivent tenir. C’est à l’activité qu’est appelée essentiellement la masse des hommes. » Or, de bons sentiments ne suffisent pas à diriger l’activité. « Les meilleures impulsions sont habituellement insuffisantes pour diriger la conduite privée ou publique, quand elle reste toujours dépourvue des convictions destinées à prévenir ou à corriger ces déviations[1] » Il faut des convictions, c’est-à-dire une foi, c’est-à-dire un dogme. La « règle volontaire » doit toujours reposer sur « une discipline involontaire », et cette discipline doit être « chérie ». « Toute consistance est interdite aux sentiments qui ne sont point assistés par des convictions[2] » En d’autres termes, il faut un dogme : un dogme aimé. Et, pour être présentées aux imaginations, pour retentir dans les cœurs, ces convictions exigent un ensemble de pratiques habituelles. Le dogme appelle un culte. À cette condition seulement la religion sera complète, et la religion est indispensable à toute morale qui veut être pratiquée et vécue. Sans religion, point de morale efficace et vivante : or, il nous faut une morale pour

  1. Synthèse subjective, 1856.
  2. Appel aux Conservateurs, 1855.