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sur les bords du nil


par violence, pour l’emmener en Egypte. Tu vois près de moi mon ami Isla ben Maflei, le fiancé de la jeune fille, qui est venu en ce pays pour l’arracher des mains de son ravisseur. Tu nous connais, nous : tu as lu nos papiers ; ils sont en règle !

« Et lui, es-tu sûr de le connaître comme tu le prétends ? C’est un voleur, un séducteur, un traître ; dis-lui de te montrer son passeport, ou j’en appellerai au khédive. Je te dénoncerai comme abusant de tes fonctions pour protéger le crime et opprimer les innocents ! Comment ! ce capitaine du sandal m’accuse de tentative de meurtre ! Demande à tous les témoins. J’ai abattu les plumes de son tarbouch ; mais lui, l’ai-je touché ? Et ce prétendu Mamour, ne lui avons-nous pas sauvé la vie, même après qu’il a tiré sur moi avec le dessein bien évident de me tuer ? Décidé maintenant entre nous ! »

Le brave fonctionnaire devenait de plus en plus perplexe ; il ne voulait ni démentir ses premiers actes, ni s’engager dans une mauvaise affaire en prononçant contre nous. Après quelques moments d’hésitation et de réflexions pénibles, il prit le seul parti qu’il pouvait prendre, étant données les mœurs du pays.

« Que le peuple rassemblé ici se retire, que chacun regagne tranquillement sa demeure, ordonna-t-il. La chose demande qu’on y réfléchisse mûrement ; il y aura une nouvelle séance après la méridienne ; en attendant, vous êtes tous prisonniers. »

Les cabassers chassèrent aussitôt les curieux à grands coups de bâton. Abrahim Mamour, ses domestiques et l’équipage du sandal furent conduits sous escorte dans une des cours de la maison du Zablié-bey. On fit mine de nous emprisonner dans la cour voisine, et quelques cabassers eurent ordre de ne pas nous surveiller de trop près. Au bout d’un quart d’heure, ils avaient disparu.

Isla, assis près d’une fontaine, causait tranquillement avec sa fiancée ; je m’approchai pour lui demander ce qu’il pensait de l’issue du procès.

« Je n’en pense rien du tout, dit-il, je te laisse le soin de l’affaire.

— Mais si justice nous est rendue, qu’adviendra-t-il d’Abrahim, à ton avis ?

— Rien. Je connais ces gens-ci. Abrahim donnera de l’argent