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les pirates de la mer rouge

« Salam aléïkoum ! La paix soit avec toi ! me dit le voyageur en repoussant sa capuce.

— Aléïkoum ! Où vas-tu dans ce désert ? » répondis-je.

La voix qui nous avait salués était douce et molle comme celle d’une femme. La main qui venait de rejeter le capuchon me sembla délicate, quoique brune. Le visage n’avait pas de barbe, et deux grands yeux noirs, vifs et brillants, me regardaient d’une façon singulière.

Ce n’était certainement point un homme que j’avais devant moi.

« Mon chemin est partout, reprit la voix féminine ; où te conduit le tien ?

— Je viens de Djeddah ; nous faisons marcher nos bêtes, puis nous retournons à la ville. »

Une expression de défiance passa sur le visage de mon interlocutrice.

« Ainsi tu habites la ville ? me demandait-elle.

— Non, je suis étranger.

— Tu es pèlerin ? »

Que répondre ? J’eus désiré passer pour un mahométan, mais non le dire moi-même. Cette question directe m’embarrassait ; coûte que coûte, je ne voulais point mentir de la sorte.

« Je ne suis point hadji, répondis-je.

— Tu es étranger dans Djeddah et tu n’y viens point pour faire le saint pèlerinage ; tu ne dois pas être un fidèle croyant !

— Ma croyance n’est pas la vôtre, en effet.

— Tu es juif ?

— Non, je suis chrétien.

— Et ces deux hommes ?

— Celui-ci est chrétien comme moi, l’autre est musulman : il se rendra demain a la Mecque. »

Un éclair de satisfaction illumina ce visage bruni ; se tournant vers Halef, la voyageuse, — car enfin c’était une vovageuse, — lui demanda :

« Quelle est ta patrie, étranger ?

— Ma patrie est à l’ouest, bien loin, derrière le grand désert.

— As-tu une femme ? »

Halef, aussi surpris que moi dune question qui bravait toutes les convenances de l’Orient, balbutia un : non ! très scandalisé.