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les pirates de la mer rouge

Je me précipitai au bas de l’escarpement. La fille de Malek, en me voyant de loin sur ce chameau, devina tout à ma course folle. Elle se leva, sauta en selle, prit la corde du chameau qui m’avait amené et me cria en s’avancant à ma rencontre :

« Qui t’a reconnu ?

— Abou Seïf !

— Le scélérat ! Il te poursuit ?

— Oui, d’assez près.

— Est-il seul ?

— Non ; mais les autres ont de mauvaises montures.

— Ne viens pas me rejoindre ; fuis tout droit sur la montagne.

— Donne-moi seulement mes armes. »

Nous échangeâmes à la hâte notre équipement, puis la fille du désert s’éloigna ; je la vis se cacher dans une anfractuosité du rocher. Je devinai son dessein : elle voulait faire passer Abou Seïf entre elle et moi. Je ralentis le pas de ma bête. Le pirate était parvenu au sommet ; il m’apercevait de nouveau ; il lançait son cheval pour descendre à toute bride, sans prendre garde aux traces des pas qui m’avaient rejoint. Pour moi je remontai, suivant l’indication de la fille du cheikh. Lorsque j’eus regagné la hauteur, j’aperçus encore dans le lointain un ou deux cavaliers dont les montures s’épuisaient à ma poursuite.

Au bas des rochers, la vaillante amazone agissait avec une adroite tactique. Son but était atteint : Abou Seïf se trouvait entre nous deux ; elle laissa libre le second chameau, et se plaça de façon que le brigand pût la prendre pour un de ceux qui me poursuivaient.

Je redescendis alors vers la plaine, du côté opposé à celui du campement, et je lançai de nouveau ma bête au galop. Je courus ainsi environ trois quarts d’heure, jusqu’à ce que j’eus atteint le désert. Abou Seïf me suivait, mais de trop loin pour que ses balles pussent porter. Au pied de la chaîne de montagne, je retrouvai la fille du cheikh. En même temps reparut un de mes poursuivants ; il avait pris soudain une avance considérable ; son chameau dépassait le cheval d’Abou Seïf.

Je commençais à trembler, surtout pour mon intrépide compagne, lorsqu’à mon grand étonnement le cavalier fit un brusque détour et sembla, vouloir nous dépasser en décrivant une courbe. Je retins un instant ma monture pour examiner ce singulier coureur.