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une bataille au désert

— Oui, Rih, c’est le nom du cheval ; mais il est plus vite que le vent, il va comme la tempête.

— Je te remercie, cheikh ; je m’acquitterai de ma mission comme si j’étais un fils des Haddedîn, comme si j’étais toi-même ! Quand partirai-je ?

— Demain, à la pointe du jour, si cela te plaît.

— Quelle sorte de dattes emporterai-je pour le cheval ?

— Il ne mange que des balahat. Je n’ai pas besoin de te dire comment il faut agir avec une telle bête ?

— Dis toujours.

— Couche-toi ce soir près de lui, en t’appuyant sur son dos, et récite-lui dans les narines la centième sourate du Coran qui traite de la rapidité des coursiers ; il t’aimera et t’obéira jusqu’à son dernier souffle. Connais-tu cette sourate ?

— Oui.

— Récite-la-moi. »

Le vieux chef était terriblement précautionneux et attentif pour moi et pour son cheval, pour son cheval surtout. Je ne voulus pas le contrarier et répétai ainsi le passage :

« Au nom d’Allah très miséricordieux ! L’homme est vraiment ingrat envers son Seigneur et il doit l’avouer lui-même, quand il se compare au coursier rapide, au coursier au souffle bruyant, à celui qui combat en faisant jaillir l’étincelle, à celui qui rivalise avec l’aurore pour fondre sur l’ennemi, à celui qui fait voler la poussière pour traverser les bataillons. L’homme s’attache avec dérèglement aux biens de la terre ; il ne sait donc pas que tout viendra à découvert, même ce qui est caché dans la tombe, que la lumière fera connaître ce que le cœur humain voudrait enfouir, et qu’au jour du Seigneur tous les secrets seront parfaitement dévoilés. »

— Oui, tu connais la sourate… Je l’ai mille fois murmurée pendant la nuit à l’oreille du cheval ; fais de même, il comprendra que tu es devenu son maître. Maintenant il faut retourner dans la tente. »

Je retrouvai mon Anglais assez étourdi de tout ce qui venait de se passer ; il me demanda avec une certaine inquiétude :

« Pourquoi ces hommes ont-ils tiré sur vous pendant que vous étiez à cheval ?

— C’était un jeu ; je voulais leur montrer une ruse de guerre qu’ils ne connaissaient point.