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une bataille au désert


et la valeur comptent double quand la prudence y est unie. Si les Alabeïde et les Abou Mohammed ne réussissent pas dans leur attaque, vous vous trouverez onze cents contre trois mille. D’ailleurs l’ennemi peut aisément connaître vos plans et ne pas se laisser surprendre. À quoi vous servirait une bravoure désespérée si vos fautes vous privaient de la victoire ? Il faut abattre ces brigands et les forcer à te payer le tribut. Il faut combattre comme les Francs, non comme les Arabes.

— Comment combattent-ils ? »

Je commençai alors un discours, que j’essayai de rendre aussi clair que possible, sur l’art de la guerre en Europe. J’y étais, je l’avoue, assez novice, mais ces Haddedîn m’intéressaient. Je ne pensais pas commettre une faute contre l’humanité en les aidant contre un ennemi injuste. Il serait peut-être en mon pouvoir d’adoucir après la bataille la férocité de cette peuplade, je voulais assurer mon influence par d’utiles conseils. Je leur peignis donc le désavantage de leur manière de combattre, et je leur expliquai la nôtre. Ils m’écoutèrent attentivement, puis un profond silence succéda à mes paroles ; enfin le chef me dit :

« Ton discours est bon et pourrait, en ménageant la vie des nôtres, nous procurer la victoire ; mais le temps nous manque.

— Vous avez assez de temps.

— Ne viens-tu pas de dire qu’il fallait des années pour former de bonnes troupes ?

— Je le maintiens ; seulement ce n’est pas une armée qu’il faut former, il ne s’agit que de mettre vos ennemis en déroute. Fais rassembler tes hommes ; demain je leur enseignerai l’attaque à cheval et aussi le combat à pied avec des armes à feu. »

Prenant alors un bâton à conduire les chameaux, je traçai sur le sol une sorte de plan. « Voyez : ici, leur dis-je, coule le Tigre ; là est le Harim, tout près le Kanouza. Les ennemis se rejoignent à cette place. Deux des tribus arrivent par la rive droite. Derrière eux marchent secrètement nos alliés. A gauche s’avancent les Obeïd. Pour nous atteindre, les fédérés doivent passer entre ces deux montagnes ; ils arrivent dans la vallée du Deradji, qui se nomme la vallée des Degrés, parce que les roches escarpées dont elle est entourée forment comme les marches d’un gigantesque escalier. Cette vallée n’a qu’une issue. C’est là que nous attendrons les confédérés. Nous garnirons les hauteurs avec