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une bataille au désert

— Juste en face de toi est le premier ; celui dont je parle est le quatrième et le dernier. »

Il y avait dans le ton et le geste de cet homme quelque chose qui me donnait à penser : je résolus d’avoir l’œil sur les îlots du voisinage ; cependant je repris en affectant un air d’indifférence :

« Pourquoi donc ce pâturage reste-t-il désert ?

— Parce-qu’il est malaisé d’y aborder, le fleuve est très rapide en cet endroit. »

Mes soupçons ne diminuaient point ; je me disais que cette place, justement à cause de sa situation, devait servir de lieu de refuge aux pirates de ces tribus. Je continuai mes questions :

« Combien reste-t-il d’hommes dans votre camp ?

— Es-tu réellement envoyé par le cheikh, seigneur ?

— Oui, je viens de la part de votre chef.

— Quel message apportes-tu ?

— Un message de paix.

— Pourquoi le cheikh n’a-t-il pas dépêché un homme de notre tribu ?

— Les hommes des Abou Hamed me suivent de près ; tu vas les voir. »

Je ne voulus point presser davantage ce berger, dont la défiance du reste semblait s’éveiller ; je continuai à m’avancer, mais en marchant plus au bord du fleuve, afin de pouvoir examiner les îles. Quand nous eûmes dépassé la troisième, le fleuve dessina une large courbe, et nous aperçûmes bientôt dans la prairie une grande quantité de tentes, non loin desquelles paissait ou se reposait un bétail nombreux : chameaux, brebis, chèvres, jeunes vaches, bœufs, etc. Je vis fort peu de chevaux ; les hommes étaient aussi très rares dans le camp ; on n’y avait laissé que des vieillards tout à fait incapables de porter les armes.

Nous nous engageâmes dans les ruelles formées par la rangée des tentes. Devant une de ces habitations se trouvait une jeune fille qui caressait un joli cheval. Elle poussa un cri d’effroi à notre approche, s’élança sur le cheval et s’enfuit.

Je ne m’amusai point à poursuivre l’enfant ; quand même elle eût donné l’alarme atout le camp, qu’aurions-nous eu à craindre ? Quelques vieillards, des femmes, des malades, des enfants, ne me paraissaient guère redoutables. Nous marchâmes presque au