Page:May - Les Pirates de la Mer Rouge, 1891.djvu/359

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée
357
une bataille au désert

— Cependant ils ont un langage qu’aucun musulman ne saurait comprendre. Le comprends-tu, toi, Sidi ?

— Non. »

Halef fit un mouvement de surprise.

« Non ! toi qui sais tout ! C’est impossible, ou alors…

— Je ne connais point cette langue, te dis-je.

— Pas du tout ?

— Je ne sais. Si elle a quelque parenté avec vos différents dialectes, j’y reconnaîtrai bien quelques mots.

— Tu le vois, Sidi, j’ai raison, tu sais tout !

— Dieu seul sait tout ; la faible science de l’homme n’est qu’une goutte tombée de cette source infinie. Je ne sais pas encore, par exemple, si Hanneh, la lumière de tes yeux, est contente de son Halef ?

— Contente, Sidi ! Ah ! trois choses sont précieuses à son cœur : Allah d’abord, Mohammed son aïeul, le Cheïtan enchaîné dont tu lui as fait présent, et une quatrième la ravit, c’est hadji Halef Omar, ben hadji Aboul Abbas, ibn hadji Daoud al Gossarah !

— Comment ! Halef, le diable vient avant toi ?

— Non, pas le diable, mais le présent que tu lui as fait, à elle et à son aïeul, Sidi. »

Je ne pus m’empêcher de sourire et retournai près de l’Anglais. Nous avancions lentement, on le pense bien, avec ces troupeaux qu’il fallait ménager et diriger. Vers le soleil couchant, nous atteignîmes un endroit baigné par la Djebar, tout rempli de fleurs et de verdure ; cette place nous semblait très propre au campement. Le difficile était de garder à la fois nos prisonniers et nos bêtes. J’eus beaucoup de peine à organiser le campement ; il se faisait tard quand je crus pouvoir m’enrouler dans ma couverture pour m’endormir. Je n’avais pas fermé l’œil, que Lindsay accourait.

« Affreux, épouvantable, sir ! criait-il.

— Quoi donc ?

— Incompréhensible ! ! !

— Mais quoi ? Votre prisonnier s’est enfui ?

— Oh ! no ! Il est solidement lié.

— Eh bien ! qu’y a-t-il d’incompréhensible et d’affreux ?

— Nous avons oublié le principal.