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sur les bords du nil

Le pauvre Arabe en usait suivant les tristes habitudes de son pays quand il arrachait ainsi, sou à sou, un pourboire. Il gagnait d’ailleurs si peu avec moi, que je n’étais guère en droit de le gronder et que j’avais honte souvent de n’en pouvoir faire davantage.

Ce qui m’étonnait surtout dans cette aventure, c’est qu’on avait recours à ma science médicale pour une femme.

Je pensais qu’il ne s’agissait pas d’un intérieur arabe, ni d’une de ces familles d’origine nomade où l’étranger ne pénètre point, mais d’une demeure plus civilisée… La femme d’Abrahim n’était sans doute plus très jeune, et elle avait pris sur lui un grand empire par des qualités ou une éducation peu ordinaires.

J’en restais là de mes réflexions, quand Halef entra.

« Dors-tu, Sidi ? »

Le serpent ! il m’appelait Sidi et prenait lui-même ce titre au dehors.

« Non ! Que veux-tu ?

— Il y a là un homme qui demande à te parler ; il t’attend avec une barque sur le Nil, et je dois t’accompagner. »

Le scélérat voulait nettement dessiner la situation ? pour que je n’hésitasse point à l’emmener ; il tenait décidément au pourboire. Je n’eus pas le courage jde le troubler dans sa diplomatie, je feignis de ne rien savoir.

« Que me veut cet homme ? demandai-ie.

— C’est pour un malade.

— La chose presse donc beaucoup ?

— Oh ! oui, Sidi ! L’âme du malade a déjà presque quitté la terre ; il faut te hâter si tu veux la retenir.

— Fais entrer cet homme. »

Halef sortit et ramena bientôt le messager, qui se courba jusqu’à terre, ôta sa chaussure, puis attendit humblement que je lui adressasse la parole.

« Approche-toi, lui dis-je.

— Salam aléïkoum ! Allah soit avec toi, ô Seigneur ! Ouvre ton oreille à l’humble prière du plus infime de tes serviteurs !

— Qui es-tu ?

— Je suis le serviteur du grand Abrahim Mamour, qui habite de l’autre côté du fleuve.

— Qu’es-tu chargé de me dire ?