— Effendi, je me nomme Hamsad al Djerbaya et ne me laisse point insulter !
— Nomme-toi comme tu voudras, tu es un farceur, je connais trop cet air.
— C’est possible ; ceux qui te l’ont appris me l’avaient entendu chanter.
— Charlatan ! tous les Allemands le savent en naissant.
— Effendi, tu es Allemand ?
— Et toi aussi ? »
Ce fut une reconnaissance des plus tendres. J’appris que mon compatriote accompagnait le fils d’un riche marchand de Constantinople.
« Je ne sais trop pourquoi nous sommes ici, me dit Hamsad confidentiellement ; je crois que mon maître est à la recherche d’une femme, une Monténégrine, une certaine Sénitcha, ou Sénitza. un nom fort malaisé à prononcer. »
En cet instant le maître du faux Turc l’appela en frappant des mains : il s’enfuit et je retournai sur mon divan. L’aventure devenait tout à fait romanesque. Cette Sénitza… Cette Monténégrine… et ma cliente d’au delà du Nil !… Quelle coïncidence !
Mais je ne pouvais goûter un instant de repos ; il m’arriva trois fellahs qui demandaient un remède pour la migraine.
Ils s’assirent à l’orientale près de moi, m’exposèrent leurs cas, écoutèrent mes prescriptions et ne bougèrent de place qu’au bout d’une heure au moins.
Le soir, Hassan monta d’abord chez mon voisin ; je l’entendis se disputer en sortant avec l’ex-barbier allemand. (Hamsad m’avait appris qu’il exerçait la profession de barbier en Prusse, avant ses grands voyages.) Enfin le capitaine Hassan frappa à ma porte.
« Pars-tu décidément demain ? lui demandai-je pendant que nous dégustions notre café.
— Non ; ma voie d’eau n’est pas encore réparée. Dieu puisse demain nous rendre la lumière propice !
— Mais quand pars-tu ?
— Après-demain.
— Veux-tu m’emmener ?
— Ce sera la joie de mon âme.
— Et si j’amenais quelqu’un avec moi ?