Page:Maynial - La Vie et l’Œuvre de Maupassant, 1907.djvu/127

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

besoin de publier et cette hâte à écrire, il faut bien faire intervenir d’autres raisons que la passion tyrannique de l’art. Sans doute, le disciple de Flaubert conservait fidèlement les préceptes et les traditions du maître : l’artiste, professait-il, doit faire son œuvre pour sa propre satisfaction d’abord, ensuite pour le suffrage d’une élite ; peu importe le résultat, peu importe le succès. Mais tandis que chez Flaubert le culte de l’art exclut toute préoccupation de gain, chez Maupassant l’écrivain consciencieux est doublé d’un Normand avisé. On conte que Flaubert, le jour où Dalloz, pour la publication des trois contes dans le Moniteur, lui remit un billet de mille francs, s’en fut le montrer à un ami, en lui disant avec un étonnement naïf : « Cela rapporte donc, la littérature[1] ? » Maupassant trouvait qu’il était d’un excellent exemple, au point de vue social, qu’un véritable littérateur parvînt à la fortune. Il louait grandement Hugo d’avoir fait d’heureuses entreprises de librairie[2]. Lui-même s’entendait fort bien à régler ses intérêts, à organiser les séries fructueuses d’éditions. Il lui arrivait de dire, en s’efforçant de donner à son franc visage une expression néronienne : « J’aimerais à ruiner un jour

  1. Souvenirs intimes de Ch. Lapierre, A. Lumbroso, p. 617.
  2. Souvenirs d’H. Roujon, loc. cit.