Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/168

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rendre compte de l’épouvante que causa dans l’empire des pharaons l’apparition des pirates au casque d’airain : les villages, les villes même furent abandonnés ; on se mit en toute hâte à fortifier le Delta ; une garnison fut placée à Rhocotis avec ordre formel de tuer ou d’enchaîner tous les hommes venus par mer[1] ; l’histoire de Joseph suffirait pourtant à nous apprendre que ces mêmes Égyptiens étaient très bienveillants à l’égard des visiteurs arrivés par les routes de terre. Ce n’est pas la haine aveugle de l’étranger, c’est la crainte de la Méditerranée qui leur inspirait ces mesures rigoureuses : elles ne tardèrent pas, d’ailleurs, à se montrer insuffisantes, et l’Égypte se vit obligée de salarier ces mêmes brigands qui lui inspiraient tant de terreur.

L’idée que la mer est, par nature, impure et démoniaque, avait encore cours en Égypte aux temps alexandrins. Plutarque rapporte, en effet, que, pour leurs prêtres, « la mer a été formée par le feu ; elle est en dehors de toute classification déterminée ; elle n’est ni une partie du monde, ni un élément ; ils n’y voient qu’une sécrétion hétérogène, principe de corruption et de maladie… Osiris est le Nil qui s’unit à Isis ou la Terre ; Typhon, c’est la mer, dans laquelle se disperse et disparaît le Nil en se jetant… C’est pour cela que les prêtres ont la mer en horreur et qu’ils appellent le sel écume de Typhon. Une des interdictions qui leur sont faites,

  1. Winwood Reade, The Martyrdom of Man.