Page:Mechnikoff - La civilisation et les grands fleuves historiques.djvu/210

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on a dû inventer et perfectionner des outils plus ou moins ingénieux, domestiquer des animaux, ouvrir des ateliers pour la fabrication en grand des instruments de pierre, échanger les matières premières et les produits du travail. Des tribus, populeuses parfois, parvenues à s’adapter bien ou mal à leurs milieux respectifs, ont vécu — vivent encore — dans les coins reculés de la Terre, puis disparaissent, sans laisser d’autres traces que ces outils brisés, ces engins de chasse, de pêche ou de guerre, ces constructions lacustres, etc., que nous retrouvons ensuite avec étonnement dans les profondeurs du sol. Pour inscrire son nom dans les annales collectives du genre humain il faut avoir produit quelque chose qui instruise, intéresse ou surprenne la postérité, mais ce n’est certes pas à l’honneur posthume de figurer dans nos manuels d’histoire universelle que visaient, par exemple, les placides constructeurs des Pyramides sur lesquels, dans les sculptures et les peintures égyptiennes, on voit se lever le bâton du contremaître !

Tandis que les savants et les philosophes se demandent encore si la civilisation est un bien ou un mal, les véritables créatrices de cette civilisation, les grandes masses populaires, semblent toujours l’avoir regardée comme un mal auquel la force a dû les contraindre. Partout, au début de leurs annales, nous retrouvons la coercition la plus absolue, le despotisme le plus effréné ; partout où elles l’ont pu, ces masses se sont soustraites à la corvée