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inondations périodiques et fécondantes du Nil sont-elles un bienfait indiscutable, un don gratuit de la nature, assurant à peu de frais aux habitants de la vallée égyptienne un bien-être matériel supérieur à celui dont ils auraient joui en d’autres contrées ?

Depuis Hérodote jusqu’à nos jours, on a tant insisté sur les bienfaits exceptionnels des débordements du Nil, que la question pourrait sembler oiseuse. Les surnoms honorifiques et caressants que les laboureurs indigènes ont toujours donnés au grand fleuve : sous les pharaons, Tsaf-en-Ta (Nourrisseur du Monde), et, sous les oppresseurs actuels du fellah, Abou el-Baraka (Père de la Bénédiction), confirmeraient cette idée, et l’hymne que les Égyptiens des anciens temps[1] avaient déjà composée pour célébrer la gloire du Nil, paraîtrait ne plus laisser l’ombre d’un doute à ce sujet.

« Salut, ô Nil ! ô toi qui t’es manifesté sur cette terre, et qui viens en paix pour donner la vie à l’Égypte ! Dieu caché, qui amènes les ténèbres au jour où il te plaît de les amener, irrigateur des vergers qu’a créés le soleil pour donner la vie à tous les bestiaux, tu abreuves la terre en tout lieu, voie du ciel qui descend… Seigneur des poissons ! quand tu remontes sur les terres inondées, aucun oiseau n’envahit plus les biens utiles. Créateur du blé, producteur de l’orge ! il perpétue la durée des temps. Repos des doigts est son travail pour les mil-

  1. La transcription de cet hymne, date de la xiie dynastie, mais la composition peut être plus ancienne encore.