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L’INDUS ET LA GANGE

rapporte à diverses époques, du ixe au ve siècle avant Jésus-Christ, est déjà la pierre tumulaire d’une civilisation dont la marche nous est inconnue, mais qui, dans l’évolution du genre humain, a devancé les autres civilisations fluviales. Ni l’Égypte, ni l’Asie antérieure, n’ont conçu, comme l’Inde, un régime social gouverné, pour ainsi dire, par le jeu même de ses organes, reposant sur ses forces propres, sans l’intervention permanente d’un pouvoir coercitif ; elles n’ont pas eu l’idée d’un ordre établi sur des bases que nous trouvons absurdes et cruelles, mais auxquelles, du moins, ne pouvait toucher l’arbitraire divin ou royal. Le « Code » a beau prodiguer aux prêtres des attributions surhumaines, des privilèges monstrueux, le pouvoir des brahmanes, celui de Brahma même, ne saurait convertir un Çoudra ou un Tchandala en un Vaicya, ou dégrader un homme d’une caste privilégiée, si cet homme n’a pas négligé de remplir les devoirs et les formalités que lui impose son état. Par l’iniquité des castes, l’Inde inaugure l’histoire du droit.

Mais le code de Manou ne marque pas l’apogée de cette évolution, il le dépasse, en quelque sorte. Après avoir opposé, par le régime des castes, une

    rédaction à un personnage déterminé. Manou, en effet, signifie le « Mesureur », l’« Homme ». N’était le respect de la nomenclature établie, il serait peut-être préférable île traduire Manava dharma sastra par « Règles de la Justice humaine ». Déjà, dans le langage védique, Manava, Manoucha est employé dans le sens de « humanité » en général ; Dharma est la règle de la justice et de la sagesse.